Ruches en caves
Xavier Dumont, adhérent du Syndicat des Apiculteurs d’Occitanie, tente cette année une expérience personnelle visant à améliorer la survie des abeilles. Vous trouverez ci-dessous une présentation faite par Xavier de son expérience en cours :
Je m’appelle Xavier Dumont. J’ai été apiculteur, avec 80 ruches, pendant 10 ans entre 1972 et 1982. J’ai travaillé ensuite en recherche médicale en génie génétique/biologie moléculaire pendant 30 ans. J’ai appris la programmation informatique et suis devenu bioinformaticien en fin de carrière. A la retraite actuellement, je m’occupe depuis 8 ans de 5 ruches installées sur 5 hectares de terre converties en bio avec un grand verger et un potager.
Je propose une expérimentation à grande échelle sur la mise en cave hivernale des ruches à partir de l’automne 2021. Voir en détail le site : https://lerucherdecantegril.wordpress.com/ . Le protocole expérimental est en cours de finalisation, il s’appuiera sur les résultats des ruches tests (voir ci-dessous). Je suis aidé dans cette démarche pour traiter les résultats et mettre au point le protocole par 2 biologistes et un bioinformatitien : https://lerucherdecantegril.wordpress.com/concepteurs/
Constat :
Depuis plusieurs années je suis confronté à la mort en fin d’hiver de certaines ruches présentant le même profil (l’hiver dernier j’ai perdu mes seules trois ruches issues d’essaims nus de l’année) : Essaim fort avec entre 2 et 4 cadres de couvain compact à la visite d’automne. Faible quantité de varroa constaté avant l’hiver. Forte activité des abeilles pendant tout l’hiver les journées ensoleillées, mais décroissante vers la fin.
Au constat de mort des ruches (fin février) il reste l’équivalent d’un pamplemousse d’abeilles mortes centré sur du couvain, mort aussi, mais ne présentant pas de trace de varroa importante sur les larves. Pas d’abeilles mortes ou presque sur le plancher de la ruche. La ruche est pleine de miel. Le peu d’abeilles qui restaient sont certainement mortes de froid pendant les dernières gelées de février car plus assez nombreuses pour se réchauffer.
Hypothèse :
Ces ruches fortes se sont dépeuplées anormalement pour avoir trop travaillé pendant l’hiver. Les températures étant suffisantes pour les faire sortir et chercher une miellée, les abeilles se sont certainement épuisées à la tâche et beaucoup ne sont pas rentrées à la ruche. D’autres aussi ne sont pas revenues à la maison, certainement surprises et engourdies par un refroidissement soudain dû au passage de nuages ou à la tombée de la nuit (l’hiver, la température chute de 5 ou 6 degrés en 2 ou 3 minutes lors du passage d’un nuage). Comme il n’y avait pas assez d’abeilles nouvelles pour les remplacer; les ruches se sont dépeuplées et sont mortes de froid en février n’étant plus assez nombreuses pour se réchauffer. De plus, le fait qu’il y ait de la ponte maintenant même en hiver, du fait de températures trop douces, favorise aussi la prolifération du varroa pendant la saison froide. Je suis persuadé que c’est l’action de ces deux facteurs en même temps, dépeuplement et prolifération du varroa, qui expliquent certaines mortalités constatées à cette période. Ce qui serait une conséquence du réchauffement climatique… Même si bien sûr les colonies peuvent mourir aussi de manque de nourriture, de colonie trop faible avant l’hivernage, de frelons asiatiques ou d’autres maladies affaiblissant les colonies.
Proposition pour lutter contre cela :
Recréer artificiellement des conditions hivernales, ressemblant à celles qu’avaient les abeilles il y a 40 ans, pour voir si cela augmenterait les chances de survie des colonies en évitant leur dépeuplement pendant l’hiver, aurait une incidence positive sur le taux d’infestation par le varroa et préserverait les colonies trop faibles des grands froids. Pour cela je propose de les mettre en « cave », sans les fermer, pour une période de 2 mois, du 1er décembre au 1er février (ou plus s’il y avait encore trop de froid), après avoir vérifié qu’elles aient suffisamment de réserves. Les colonies seront à sortir, près de la « cave », au moins tous les 15 jours, pendant une journée, pour leur faire prendre l’air et faire leurs petits besoins. Les colonies devront être suivies jusqu’à mi-avril au minimum. Elles pourront être suivies jusqu’à fin août pour faire un bilan complet.
Définition d’une cave : Pièce au nord, au calme (pas de bruit violent), non chauffée, de plain-pied, rendu hermétique à la lumière, légèrement ventilée, d’une température inférieure à 12° en moyenne sur 24 h (c’est le cas de toutes les pièces au nord en cette saison !).
Je suis en train de le faire moi-même sur mes 4 ruches qui sont de forces différentes et qui servent donc de test :
Je les ai gardées en « cave » du vendredi 20 novembre 2020 au jeudi 28 janvier 2021, jour de leur sortie définitive. Je les ai donc confinées pendant 70 jours. J’ai vérifié leur état en sortant les ruches à proximité de la « cave », pour leur faire prendre l’air et faire leurs besoins, au 7ème, 19ème, 27ème, 40ème et 61ème jour, les remettants en cave le soir même à chaque fois, avec des intervalles entre deux sorties qui ont varié de 6 à 21 jours selon la météo.
La « cave » que j’ai utilisée est en fait un garage de pleins pieds, avec des murs épais, légèrement ventilé, situé du côté nord de ma maison, les abeilles y ont séjourné dans le noir complet et l’entrée ouverte, sauf la première semaine. La température y a varié de 3° à 12° ce qui a protégé les colonies des grands froids et aussi des chaleurs anormales que nous avons en hiver actuellement. Je leur avais mis de l’eau à disposition grâce à un petit nourrisseur de 200 ml, de type abreuvoir de cage à oiseaux, placé à l’arrière de la ruche pour éviter la déshydratation.
Pour faire le suivi des colonies, en plus d’observer leur comportement, je les ai pesées régulièrement pour voir leur consommation de miel, j’ai fait un comptage de la chute naturelle des varroas pour estimer l’évolution du taux d’infestation de ce parasite, mesurer la température journalière à 7h et à 14h de la cave et de l’extérieur, et j’ai fait une visite du corps de ruche quand cela a été possible pour vérifier, entre autres, s’il y avait du couvain.
Pour lutter contre le varroa, je n’ai pas fait de traitement, préférant la méthode de l’arrêt de la ponte par la mise en « cave » pour enrayer sa prolifération. De plus, au 9éme jour après la sortie définitive, j’ai supprimé le premier cadre de couvain d’abeilles, sur lequel les derniers varroas phorétiques s’étaient précipités de pondre, du moins je l’espère, pour essayer d’éliminer des colonies d’abeilles les dernières larves de ce parasite. Voir cet article : http://www.eap.mcgill.ca/agrobio/ab370-08.htm
Depuis leur sortie définitive de la « cave » je les aie poussées à la ponte et les colonies se portent à merveille ! Aucune n’est morte, elles sont restées fortement peuplées, ont très peu de varroas (si ce n’est plus du tout) et n’ont eu ni nosémose ni diarrhées. Je vais les suivre jusqu’en aoùt 2021 en espérant que cela donnera envie aux apiculteurs de nous rejoindre dans cette expérimentation dès l’automne de cette année.
Voir en détail la page « Journal d’hivernage » et les vidéos du site : https://lerucherdecantegril.wordpress.com/
https://www.youtube.com/watch?v=Qm4KZ9BBUR0&feature=youtu.be
https://cfmradio.fr/player/?play=emission-em104281_podcast-106273_
Au Québec, 70% des apiculteurs mettent leurs ruches en silo chauffé (5°) pendant une bonne partie de l’hiver (5 mois) mais là pour les préserver du froid… Comme les ruches tests le prouvent, on ne prend pas de risques chez nous de le faire, mais pour les préserver aussi de la chaleur… Mettre les abeilles 2 mois en cave, en les sortant de temps en temps, c’est pour elle comme si elles avaient subi à l’extérieur 2 mois de froid et de temps couvert avec une température ne dépassant pas 10°, comme cela arrivait fréquemment avant le réchauffement climatique dans nos pays tempérés. Les abeilles n’en meurent pas ! Pourquoi ne pas tenter l’expérience !
Si vous voulez nous rejoindre dans cette expérimentation qui débutera à l’automne 2021, merci d’envoyer un mail : lerucherdecantegril@orange.fr
N’hésitez pas à m’appeler si vous avez des questions.
Xavier Dumont 06 25 84 96 02 / 05 61 87 70 14
Lieu-dit Cantegril 31310 Latrape.